J'ai dû partir
Un homme seul. Il est assis sur une chaise, une valise à ses pieds. Une voix qui semble venir de partout et de nulle part. C’est sa conscience. L'homme:
- J’ai dû partir.
- …Je sais…
- …
- Ce n’est pas bien.
- … je sais. Mais tu sais bien que c’était la seule solution.
- Oui.
- Alors pourquoi tu me dis que c’est mal ?
- Parce que je fais mon boulot de conscience.
- … ma pauvre. Tu n’en as pas marre de faire des reproches à tout le monde ?
- Je n’en fais pas à tout le monde ! Je suis ta conscience personnelle. Je n’en fais qu’à toi !
- Je suis censé me sentir flatté ?
- Tu sais que comme conscience je suis plutôt tranquille ?
- Ah bon ?
- T’en connais beaucoup des hommes qui tuent sans que leur conscience ne dise rien ?
- Tu m’as fais la morale je te rappelle.
- Oui, fin, c’était vachement limité pour un meurtre !
- Tss… tout de suite les grands mots.
- Tu appelles ça comment toi ?
- Un bienfait envers l’humanité.
- On ne tue pas son frère.
- D’ici à un instant ça ne te regardera plus.
- …
- …
- … tu veux vraiment… ?...
- Oui !
- Pourquoi es-tu parti ?
- Pour avoir la paix.
- Ah, c’est vrai que tu vas l’avoir bientôt.
- Je me passerais de ton cynisme. Je suis grand je fais ce que je veux.
- Tu n’as aucun regret ?
- Qui veux tu que je regrette ?
- Ta femme.
- …
- Alors ?
- … Non, je crois que même elle je ne la regretterais pas.
- Alors, si même elle tu la laisses, je crois que tout es fini.
- Tout va finir.
- Pourquoi es-tu parti ?
- Pour fuir.
- Tu aurais pu le faire là-bas.
- Je sais. Mais j’aime être seul, face à moi-même, avec toi, ma conscience. (Un temps) Au fond, je crois que tu sera celle que je regretterai le plus.
- Merci.
- Bon. Il est l’heure.
(Un temps)
- Au fait, conscience, tu veux savoir pourquoi ?
- … je veux bien oui.
- … je crois que j’étais jaloux.
- …
- … tu trouves que c’est une mauvaise raison, hein ? Mais tan pis, j’aimais sa femme, je l’ai tué lui.
- Je crois que tu te retardes.
- Tu me chasses ?
- Non. Je t’aide.
- … Merci !
Un temps. L’homme ouvre sa valise. Il en sort un revolver.
- Adieu conscience.
- Au revoir, mon cher.
Noir. Coup de feu.